Nom : Gordon of Huntly (Henrietta)
Autre(s) appellation(s) : Nom francisé en Gourdon de Hontely.
Nommée le plus souvent « Madame de Gourdon », parfois « Gordonne ».
Dates : 1628 - 1701
État(s) historique(s) : Écosse (royaume d') ; France (royaume de)
Pays actuels(s) : ROYAUME-UNI ; FRANCE
Remarques biographiques :
Date de naissance incertaine.
Fille de John Gordon (?-1630), vicomte de Melgum ; petite-fille de George Gordon, 1er marquis d'Huntly.

Orpheline après la mort de sa mère en 1642, elle quitte l'Écosse en 1643 avec le P. Blakhall, confesseur de son père, qui la conduit à Paris. L'un de ses oncles, George Gordon, 2e marquis de Huntley, dit le marquis de Gourdon (1592-1648/49), est commandant de la compagnie des gendarmes écossais depuis 1625. L'un de ses cousins, Ludovic Stewart d'Aubigny, troisième fils du duc de Lennox, la présente à la reine-mère qui la fait entrer chez les Filles de Sainte-Marie de la rue Saint-Antoine pour achever son éducation. Elle passe ensuite dans différents couvents avant d'entrer au service d'Anne d'Autriche en qualité de fille d'honneur, d'abord surnuméraire (1650?-1652) puis en titre à partir de 1652 (Griselle, p. 94). Elle semble s'être liée assez tôt avec Philippe, frère du roi. Lors des événements de la Fronde, elle manque d'être écharpée par la foule avec une autre fille d'honneur de la reine-mère, Mlle de Ségur (Loret, lettre XX du dimanche 26 mai 1652, vers 95-168).

En 1662, elle passe au service d'Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans, en qualité de dame d'atours. C'est elle qui, à Saint-Cloud, lui tend, le 29 juin 1670, le fameux verre d'eau de chicorée que l'on prétendit empoisonné par la suite.

Henriette Gordon passe ensuite au service de la seconde Madame, Élisabeth-Charlotte de Bavière (Madame Palatine), toujours en qualité de dame d'atours. La princesse ne l'aime pas et lui reproche ses intrigues incessantes avec la coterie du chevalier de Lorraine. Une lettre de Madame de La Fayette à la marquise de Sévigné du 30 décembre 1672 mentionne que la duchesse d'Orléans « est une personne très opiniâtre et très résolue, et assurément de bon goût, car elle hait Mme de Gourdon à ne la pouvoir souffir » (Correspondance de Mme de Sévigné, t. I, p. 571). Dans ses propres lettres, Madame la traite assez mal, évoquant la « méchante Gordon » (lettre du 13 juillet 1716) mais est convaincue de son innocence dans la mort d'Henriette d'Angleterre. Dans une lettre du 18 février 1716, elle en dresse un portrait spirituel : « Mme de Gordon a longtemps été ma dame d'honneur [sic] ; c'était une personne fort étrange ; elle rêvait toujours. Un jour, étant dans son lit et voulant cacheter une lettre, elle s'appliqua la cire toute bouillante sur une jambe et se brûla cruellement. Quand elle jouait étant couchée, elle jetait les dés par terre et crachait dans son lit. Un jour, elle cracha dans la bouche de ma première femme de chambre qui bâillait ; je crois que celle-ci l'aurait battue, si je ne l'avais empêchée, tant elle était en colère. Le soir, quand elle me donnait ma coiffe pour aller à la cour, elle tirait ses gants, me les jetait à la figure, et se mettait ma coiffe sur la tête. Elle avait l'habitude, toutes les fois qu'elle parlait avec un homme, de jouer avec les boutons de sa veste. Un jour, elle avait à parler à un capitaine des gardes de feu Monsieur, le chevalier de Beuvron ; comme il était d'une grande taille, elle ne pouvait atteindre que les boutons de son haut-de-chausse ; elle se mit à les lui défaire. Il sauta en arrière tout effrayé en s'écriant : "Madame, que me voulez-vous ?" Cela occasionna de grands éclats de rire dans le salon de Saint-Cloud. »

Madame Palatine cherche visiblement à se défaire de sa dame d'atours assez vite, puisque Mme de Sévigné écrit à Mme de Grignan, le 21 octobre 1673 : « Guitaut me conta comme Monsieur veut faire Mlle de Grancey dame d'atours de Madame, à la place de la Gourdon, à qui il faut donner cinquante mille écus » (Correspondance, t. II, p. 602). Le projet tourne cependant court.

Henriette Gordon reste dame d'atours de la duchesse d'Orléans jusqu'en 1682. Elle figure dans les États de la France successifs sous le nom de « Gourdon de Hontely ». Son départ de la maison de Madame en 1682 est peut-être le résultat d'une intrigue qui visait à faire accuser la princesse de galanterie et la discréditer ainsi aux yeux du roi et de son époux (lettre du 19 septembre 1682). Elle est remplacée par Mme de Durasfort, sœur des maréchaux de Lorge et de Duras.

On perd ensuite sa trace. Elle semble s'être rapprochée de la cour anglaise en exil à Saint-Germain-en-Laye puisqu'en juin 1689, elle est la marraine de la fille du comte de Dumbarton, gentilhomme de la Chambre du roi d'Angleterre (Lart, Jacobite Extracts, t. I, p. 69).

Une dernière mention d'Henriette Gordon est faite par Madame, dans une lettre à sa fille Élisabeth-Charlotte, duchesse de Lorraine, le 7 mars 1701 : « La Gordon est dans un pitoyable état. Elle ne saurait vivre ni mourir. Il y a trois semaines qu'elle a la gangrène au derrière et aux deux hanches. On lui coupe tous les jours à la faire crier comme un aigle. Avec cela elle a les yeux fermés et ne connaît plus, et ne peut mourir » (Madame Palatine, Lettres françaises, éd. par D. Van der Cruysse, Paris, 1989, p. 171).

Marquée très tôt par la petite vérole (Saint-Simon, t. VIII, p. 625), elle ne semble pas avoir attiré la sympathie de ses contemporains qui parlent d'elle avec un certain mépris : la duchesse de Montpensier la traite d'« assez inconsidérée demoiselle » et n'hésite pas à lancer à Monsieur « Votre Gourdon est une sotte » (Mémoires, t. III, p. 212).
Une chanson du temps proclame même : « Je me connais en ange : Gourdon ne l'est pas » (cit. par Paul Boiteau dans son édition de l'Histoire amoureuse des Gaules, 1856, t. I, p. 297).

On ignore le lieu et la date exacte de son décès, vraisemblablement survenu en 1701. Boislisle, dans une note des Mémoires de Saint-Simon, évoque le mois de mars, sans autre précision. Cette assertion s'appuie sans doute sur la lettre de Madame citée plus haut.
Sources bio-bibliographiques :
· Bussy-Rabutin (Roger de Rabutin, comte de Bussy, dit), Histoire amoureuse des Gaules, éd. par Paul Boiteau, Paris, 1856.
· Dictionnary of National Biography
· Francisque-Michel, Les Écossais en France et les Français en Écosse, Paris, 1862, t. II, p. 345 et sq.
· Griselle (Eugène), État de la maison du roi Louis XIII..., Paris, 1912.
· Lart (C. E.), Jacobite Extracts of the Births, Marriages and Deaths, London, 1910.
· Loret (Jean), La Muze historique, éd. par Ch.-L. Livet, Paris, 1857, t. I.
· Montpensier (Anne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de), Mémoires, éd. par Chéruel, Paris, 1858-1868, 3 vol.
· Orléans (Élisabeth-Charlotte de Bavière, duchesse d'), Correspondance complète de Madame, duchesse d'Orléans, éd. par G. Brunet, Paris, 1855 , t. I, p. 217-218.
· Orléans (Élisabeth-Charlotte de Bavière, duchesse d'), Lettres françaises, éd. par Dirk van der Cruysse, Paris, 1989.
· Saint-Simon (Louis de Rouvroy, duc de), Mémoires du duc de Saint-Simon. Nouvelle édition augmentée des additions de Saint-Simon au Journal de Dangeau, édités par Arthur Michel de Boislisle, avec la collaboration de Léon Lecestre (à partir du vol. XV) et de Jean-Michel de Boislisle (à partir du vol. XXI), Paris, Hachette, 1879-1931, 43 vol.
· Sévigné (Marie de Rabutin-Chantal, marquise de), Correspondance, éd. par Roger Duchêne, Paris, Gallimard, 1972-1978, 3 vol.
Entrée d'index : Gordon of Huntly (Henrietta) (v. 1628-v. 1701), fille d'honneur d'Anne d'Autriche (1652-1662), dame d'atours de la duchesse d'Orléans (1662-1670 ; 1671-1682)
Auteur(s) de la notice : Raphaël Masson

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